TOPOGRAPHIES & LEVÉS

Pourquoi ?

Il n'est pas obligatoire de dresser des topos, croquis et schémas à chaque visite de souterrains. Bien souvent, des chercheurs ont déjà fait ce travail difficile et fastidieux. Cependant, il faut noter, qu'au delà des photos, films et autres produits visuels que nous pouvons conserver, ce sont les plans et croquis qui resterons dans la mémoire collective et les archives. Comment décrire au mieux un souterrain ? Les levés, plans et coupes sont les données les plus essentielles que viendront compléter les photos et autres procédés d'imagerie.

Nous ne rappellerons jamais assez que nos souterrains ne sont pas éternels. Comme tout vide, il tend à s'effondrer et à se combler. Il est alors impératif d'en garder une trace, même partielle. Le plan doit être la première chose à réaliser. Il montre le réseau à un instant "t", avec ses zones ouvertes ou comblées. Tout plan ou croquis est un témoin qui permettra la comparaison avec les visites ultérieures.

Comme nous l'avons de nombreuses fois précisées (cf. actes colloque Niort), les documents graphiques d'archives sont souvent d'une fiabilité incertaine. Il est rare que l'auteur, quand il est connu, donne la technique de prise de plan, encore moins la précision du levé. Souvent on se contente de modifier ou d'augmenter un levé avec de nouvelles mesures, ce qui est une erreur. Deux techniques de topographie sont rarement compatibles.

Au final, n'hésitez jamais à prendre le temps de topographier un site, dès que possible, même pour un croquis préalable. Les méthodes sont nombreuses et variées. Le choix doit être fait en fonction du rendu souhaité.

L'apport du levé va au delà du plan finalisé sur papier, il permet une approche systématique et approfondie de la structure. Le fait de prendre le temps de mesurer dans le réseau apporte à l'auteur une vision globale et détaillée que seul cet exercice de topographie révélera.

Quel type de levé et quelle échelle ?

Le type de levé et l'échelle sont fonction de ce que l'on désire montrer, au final, sur le papier. L'utilisation du document est souvent un facteur déterminant du choix. Ainsi une topo qui servira à situer des éléments archéologiques aura une précision supérieure et une échelle inférieure à un levé de remblaiement ou de positionnement. D'une manière générale, il faut retenir la règle du "qui peut le plus, peut le moins", c'est à dire qu'il est toujours possible de partir d'une levé très précis vers un croquis à faible résolution, et non l'inverse.

Dans notre Groupe, nous avons retenu deux échelles, le 200eme et le 50eme. Celles-ci sont utilisées dans deux cas très précis. Ainsi le 1/200e, utilisé par les services du SDICS ou BRGM, correspond à des levés de topographie. Le 1/50e permet de réaliser des document à la précision importante pour tout relèvement de mobilier archéologique ou d'aménagements bois et structurels.

Toutes échelles confondues, le type de levé peut être ordonné de la façon suivante:

Les topographies et zooms qui ont un rôle de vision 2D du développement des galeries du souterrain.

Les coupes, à l'échelle de la topographie, complètent sur l'axe vertical le plan et donnent une idée des volumes et de l'élévation.

Les croquis, schémas montrent un détail du réseau, qu'il soit architectural, topographique ou autres...

Les axonométries, véritables crevés du réseau, montrent le souterrain en volume, replacé dans sont environnement géologique.

Dans tous les cas, il est important de préciser, en plus des conventions habituelles (échelles, orientation etc.) la méthode de levé qui permettra d'apprécier le fiabilité du document.

 

La triangulation de points

Il existe un nombre incalculable de méthodes de levé topo qui sont plus ou moins fiables et difficile à mettre en oeuvre. Le but encore une fois conditionne le choix. Pour les muches, la précision du levé interdisait l'emploi de tout méthode basée sur les axes et l'utilisation de boussoles. Les galeries, souvent exiguës, sont aussi un obstacle à l'emploi du traditionnel théodolite. La triangulation de points s'imposait vite comme étant le meilleur compromis entre mise en oeuvre et qualité.

Explications:

Cette méthode repose sur le fait simple que si nous connaissons précisément la distance entre deux points de base, A et B. Pour connaître et orienter un point C, il suffit de mesurer la distance entre A et C puis B et C. Sur le report papier deux solutions existent de part et d'autre de l'axe figuré par les points de base. Nous retiendrons celle qui est conforme au sens de mesure dans le souterrain.

Cette méthode n'est ensuite que la succession de prises de mesures de triangles, qui seront reportés sur papier à l'aide d'un simple compas. Cette méthode a l'avantage d'être simple et très précise. Le matériel est minimal et peu onéreux.

Voyons dans le détail comment topographier un réseau souterrain.

 

Le matériel:

Pour le levé sous terre:

Un carnet et un crayon pour le croquis de levé et le placement des points de mesure.
Un mètre et ou un décamètre pour les mesures.
Un dictaphone, pour noter les valeurs des mesures entre les différents points, ainsi que pour toute info utile au report sur papier.
Un fil à plomb, une agrafeuse, des agrafes et des étiquettes papiers ou plastiques marquées de l'alphabet.
Une boussole ou mieux, un topocompas pour l'orientation.

Pour le report sur papier:

Papier, crayons bois, crayon fine feutre, gomme, compas et règle plastique transparente.
Un cahier de note pour le report des mesures du dictaphone.

Comme vous le voyez, le matériel est minimaliste et peu onéreux. Ceci dit, cette méthode reste une des plus précise. La boussole peut être écartée si il est possible de se positionner en surface, l'entrée du réseau ou des puits. Au mieux, il faut pratiquer une descente de base pour aligner le sous-sol sur la surface.

Pourquoi ?
Type de levé
La triangulation
Réalisation d'une topo
Les coupes
Restitutions
Exemples

Réalisation d'une topo.

Nous allons nous appuyer sur quelques schéma pour aborder la réalisation de la topographie qui se déroule rappelons le en 2 parties : sur site et au bureau.

D'abord, quelques règles élémentaires.

Toujours prendre les points de mesure au même niveau, il faut penser que le plan est une vision du réseau vue du dessus et projeté sur une feuille de papier. En aucun cas il faut suivre la pente d'une descente, mais descendre les points petit à petit au fil à plomb.

D'une manière générale, pour une galerie de 1 m de large, éviter de distancer les prochain points de plus de 1 fois et demi la largeur, c'est à dire sue les points sur une même paroi ne doivent pas être distants de plus de 1,5m. Évitez les prises de mesures inférieures à 15 cm, les points ne sont plus dissociables sur le plan.

N'hésitez jamais à prendre plus de 3 mesures par points. Il vaut mieux avoir des mesures en plus qu'en moins. Les mesures doivent être le plus précises possible au cm près.

Pensez à prendre les points de base le plus distant possible, démarrez dans les axes de communication. De même, préservez les points placés dans les galeries, tant que les salles ne sont pas topographiées.

Travail sur site:

Le travail sur site démarre par une visite approfondie du réseau et un croquis du réseau soit par partie (rue ou salle) soit de l'ensemble, le but étant de définir comment nous allons faire la prise de mesures. Le premier choix étant de fixer les deux premiers points dits de base. Sur l'exemple qui nous intéresse, il y a en gros 3 choix possibles:

en 1, à l'entrée du réseau, choix acceptable mais avec peu de largeur.

en 2, au fond de la galerie de circulation, le choix le meilleur car avec une largeur entre les points importante.

en 3, dans une salle, une largeur importante mais pas dans l'axe du réseau, donc à écarter.

A partir du choix n°2, nous pouvons placer nos points sur les parois à des endroits remarquables, comme sur le schéma, à partir des points de base A et B. (nota: il n'est pas obligatoire de placer ceux des salles immédiatement) Ainsi, l'axe porte des étiquettes alphabétisées permettant le report des mesures. Notre alphabet étant limité à 26 lettres, il est possible de continuer par AA, AB etc... Ici nous reprendrons l'alphabet au début.

Une fois agrafées à la paroi, la prise de mesure peut commencer. L'archivage des mesures peut se faire sur le carnet ou sur le dictaphone (conseillé). Le but étant de réaliser des mesures par triangles successifs comme noté sur le schéma. La distance entre les points de base étant mesurée la plus finement possible (arrondir au cm inférieur), nous pouvons mesurer le premier triangle.

Pour la suite, la notation AC veut dire distance entre les points A et C.

Mesures: La base AB, AC puis BC (1er triangle), AD puis BD (2eme triangle), ensuite valider par la mesure entre les points C et D. Connaissant ensuite CD, mesurer le 3eme triangle CE puis DE, CF puis DF pour le 4eme triangle. Continuer de la même manière pour mesurer l'entièreté de l'axe de communication. (cf schéma)

Une fois l'axe principal levé, nous pouvons alors procéder à la prise de mesure des salles et diverticules. Le principe est le même. Les points de départ seront ceux qui existent sur l'axe de communication. Sur notre schéma, le levé de la salle A commencera par le prise de mesure de AC qui constitue la base de la salle.

Mesures: La base AC, AU puis CU (1er triangle), CT puis AT (2eme triangle), valider en mesurant TU. L'intérieur de la salle doit s'appuyer sur des points le plus éloignés possible. Nous mesurerons donc TX et XU pour pointer le point X. Nous mesurerons ensuite TV et UV, puis TW et UW. Le point X est validé par XW et XV.

Le reste de la salle peut être alors mesuré en utilisant la mesure de triangle, mais nous pouvons nous servir de deux points de base connus T et X. Il suffit alors de procéder à des mesures en tournant comme suit: TC, TB, TA, TZ, TY, XY, XZ, XA, XB, XC. Puis valider en mesurant les distances entre les points sur la paroi: YZ, ZA, AB, BC, les distances XY et CT étant déjà connues il n'est pas nécessaire de les mesurer à nouveau.

La salle B et son extension peut être alors levée de la même façon, en s'appuyant sur les points de l'axe B et D. Dans la salle nous nous appuierons sur le point L pour créer un mesure tournant sur CL.

L'ensemble du réseau levé, il est conseillé de prendre les hauteurs sous voûte dans différents endroits du réseau, ainsi qu'une double mesure de l'orientation de l'axe de communication avec une boussole ou un topocompas.

Le report sur papier.

Quelque soit l'échelle choisie au final, 50e ou 200e, le principe est le même. La première étape est de reporter les informations et mesures stockées dans le dictaphone, sur papier pour une lecture aisée lors du report sur le plan. Pensez à trier les mesures par galerie et salles comme sur le document si contre. Si vous avez noté sur carnet, la question ne se pose pas. Munissez-vous ensuite de votre compas, d'une règle et d'un critérium et c'est parti.

Au centre de votre feuille, posez vos deux points de base A et B, distant à l'échelle, par rapport à votre mesure. Pour exemple, 1.20m mesurés donneront reportés 6mm au 200e et 2.4cm au 50e. Il suffit ensuite de reproduire les triangles en traçant des arcs de cercle. L'intersection des deux arcs est la position du point recherché.

Ici, pour reporter le point C, il faut tracer le cercle de centre A et de rayon AC, puis le cercle de centre B et de rayon BC. L'intersection de ces deux cercles, dans le sens de la mesure est le point C recherché. Tracez ensuite, pour point D, le cercle de centre A et de rayon AD, puis de centre B et de rayon BD. L'intersection est notre point D recherché. Vérifier ensuite la distance CD sur papier, elle doit correspondre avec la mesure à l'échelle. Procédez ensuite pour chaque point de la galerie jusque Q et R. Cette méthode permet une orientation automatique de la galerie, et une vérification des mesures. L'avantage principal est que les erreurs ne peuvent se cumuler.

Pour les salles, le principe est le même. Sur les points connus de la galerie A et C, ou B et D, reportez les points mesurés, triangle par triangle. Il suffit ensuite de relier les points par un trait gras qui figurera la paroi. Gommez les arcs de cercle et les noms des points. Le report est terminé. Vous pouvez maintenant reporter votre plan sur calque pour une épreuve ou exemplaire définitif.

Les coupes

Souvent le point noir du levé topo, la coupe est rarement effectué, faute de méthode et de moyen. Cependant il est nécessaire de faire ce travail pour bien représenter l'élévation du réseau et avoir une idée précise des volumes. Les coupes sont complémentaires voire indissociables de la topographie. Il est d'autant plus important de réaliser ces coupes si le réseau comporte des étages, ou diverticules comme des caves ou silos.

La technique est la même que pour la topographie précédente. Si nous considérons notre petit réseau, il est souhaitable de faire au moins deux coupes, une dans le sens longitudinal, l'autre transversal, au niveau des entrées de salles. (cf. schéma) Il faut bien comprendre que la représentation de la coupe sera un plan dans l'axe vertical du souterrain, avec une vue orientée. Ce sens de vision est d'ailleurs représenté par deux flèches. Tout ce qui est derrière ces flèches n'est alors pas visible.

Exemple: réalisation de la coupe B-B au travers des salles et de la galerie.

Placez vos points de mesure verticalement dans le sens de la coupe sur les parois, le sol et le toit. Le résultat ressemble au schéma ci-contre sur votre carnet. La prise de mesure est alors identique à celle utilisée pour l'intérieure des salles. En partant de deux points de base A et B placés au sol et au toit nous pouvons trianguler ainsi l'ensemble de la coupe.

Sur le terrain: mesurer les points de base A et B, ensuite mesurer BC et AC, puis BD et AD suivi de BH et AH, confirmez DH. Vous pouvez alors faire une mesure tournante à partir des points D et H. Mesurez HG, HF, HE, DE, DF, DG, ensuite HC et DC. Prenez les mesures intermédiaires entre les points. Procédez de la même façon pour la galerie et la salle B. La technique est identique que pour la topographie.

Le report sur papier est similaire à celui du plan, la coupe apparaît alors comme sur le schéma ci-contre. N'oubliez pas d'effectuer les mesures nécessaires des éléments visibles en profondeur sur la coupe comme les feuillures de porte des salles et l'entrée de la salle B bis. Ces éléments seront représentés au final au trait fin ou en pointillé.

Les restitutions.

Sans être réellement un élément de topographie, la restitution est un moyen relativement simple de réaliser des représentation de l'intérieur d'un réseau souterrain avec ses aménagements disparus. Ce type de représentation inclue une image réelle, réalisée sur le site, avec une retouche graphique permettant d'y ajouter des éléments disparus comme des portes, cloisons ou auges et râteliers.Ce complément à la topographie ajoute une dimension humaine quant aux aménagements et occupations du réseau.

Dans le cas présenté ici, la photo a été tirée dans le réseau d'Arqueves où existait un cloisonnement maçonné, associé à une porte et du pisé. Tous ces éléments structuraux ont fait l'objet d'une étude de bâti poussé afin de définir l'exactitude de notre hypothèse. En associant photo et dessins, nous pouvons alors donner une restitution fidèle du réseau lors de son occupation.

La photo (diapositive) est projetée sur un papier, sur lequel elle sera calquée. Le dessin ainsi obtenu sert de base à l'ajout des éléments disparus.

Une autre méthode consiste à travailler à partir d'une coupe et d'ajouter les éléments disparus. Les schémas présentés en exemple montrent le cloisonnement disparu d'une salle de carrière de Lanches St Hilaire. Le dessin primitif étant une coupe simple, topographiée au niveau de la structure disparue, le second restitue la structure bois et terre dans son élément.

Les axonométries.

Véritables crevés réalisés à travers le sol dans le souterrain donne une représentation tridimensionnelle du réseau. La technique permettant de réaliser ces axonométries étant compliquée, nous nous contenterons de montrer quelques exemples réalisés dans les muches de Picardie. Nous pouvons voir que ce type de représentation est une évolution de la précédente, incluant les aménagements et éléments structurels disparus. Le tout est alors visible dans une perspective soulignant parfaitement les volumes.

zoom dans une muche au niveau d'un complexe de salles
topographie définitive triangulée de la muche de Lanches St Hilaire
Axonométrie

 

Exemples

Pour finir, quelques exemples illustrant les propos précédents.

prise de mesures en triangulation d'une coupe de salle et cave
croquis succinct avant topographie triangulée